La loi sur la Transition Energétique, débattue à l’Assemblée Nationale et portée depuis sa création par la ministre de l’Ecologie et de l’Energie, Ségolène Royal, a été finalement adoptée le mercredi 22 juillet.
Trois ans après les premières évocations du projet de loi, la nouvelle loi se veut ambitieuse et pose les bases d’une nouvelle orientation de la France en matière d’efficacité énergétique, d’évolution du mix énergétique, de développement des énergies renouvelables et des transports écologiques. Sa mise en œuvre reste cependant floue sur certains points et laisse place à de possibles changements d’orientation par de futurs gouvernements.
Mix énergétique et financement des énergies renouvelables en France
Vendredi 24 juillet, le commissariat général au développement durable a publié le bilan énergétique de la France pour 2014, document de référence utilisé pour l’élaboration de toutes les politiques publiques en matière d’énergie depuis 1970. Les résultats de ce bilan sont bien plus prometteurs que ceux de l’année précédente : par exemple, la facture énergétique de la France était de 55 milliards d’euros en 2014 soit 17% de moins qu’en 2013. Ces perspectives, aussi encourageantes soient-elles, ne doivent pas éclipser les nouveaux objectifs fixés par la loi sur la transition énergétique. En effet, d’ici 2030, le gouvernement français se donne pour objectif de réduire :
- de 50 à 75% la part de l’atome dans la production électrique française,
- de 40% les émissions de gaz à effet de serre,
- de 50 % la consommation d’énergie finale.
A l’horizon 2020, la part des énergies renouvelables doit atteindre 23% de la consommation brute et 32% en 2030. Pour atteindre ce but, la part des énergies renouvelables doit représenter 40% de la production d’électricité en 2030 au lieu des 16% actuels.
Pour maintenir la dynamique en cours, la loi a prévu la mise en place de compléments de rémunération pour l’énergie éolienne, solaire, photovoltaïque et la biomasse. Depuis les années 2000, les installations de production d’électricité issues de sources renouvelables bénéficient du régime de “l’obligation d’achat“. Ce régime permet le rachat de la production d’électricité par EDF ou une entreprise locale de distribution d’électricité à un tarif fixe et supérieur au prix du marché. En avril 2014, l’Union Européenne a adopté de nouvelles mesures concernant les grandes installations : à compter de janvier prochain sera imposé un régime de soutien pour la vente directe de l’électricité accompagnée d’une prime. Définie à partir de l’évolution du marché, cette prime peut être allouée ex-ante (prime d’investissement) ou ex-post (contrat pour différence). Dans l’éventualité où le producteur ne trouve pas d’acheteur sur le marché, le régime de l’obligation d’achat prévoit un dispositif d’acheteur de secours.
Le secteur du développement durable en plein essor
Ces deux dernières années, nous avons assisté à l’explosion du marché des green bonds (obligations vertes) destinés à financer des projets en faveur de l’environnement. Ce marché qui était déjà en plein envol en 2013 a plus que triplé entre 2013 et 2014 et pesait 53,2 milliards de dollars selon Climate Bond Iniative.
Alors que les premiers émetteurs étaient des bailleurs de fonds multilatéraux (Banque Mondiale, BEI etc), d’autres agences bilatérales de développement les succèdent : la KfW (Allemagne), le FMO (Pays-Bas), l’AFD (France). A titre d’exemple, l’AFD a émis en septembre dernier 1 milliard de dollars de climate bonds destinés à financer des projets en faveur de la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Parmi les énergéticiens ayant émis des green bonds, on peut mentionner EDF, Iberdrola et GDF Suez qui a levé 2,5 milliards de green bonds en mai 2014. Une somme jamais égalée jusqu’à maintenant.
En 2014, on a compté 17 projets renouvelables de plus de 300 MW ayant atteint l’étape de financement. Parmi eux se trouve le projet Neoen Cestas PV (Aquitaine) : annoncé comme le plus gros parc photovoltaïque jamais construit en Europe (300 MW), il a été financé par le groupe Neoen et huit autres investisseurs dont KleinkraftwerkBirseckAG (KKB), Mirova, Acofi Gestion and Omnes Capital. Sa construction, confiée à Eiffage SA, Schneider Electric SE et KrinnerGmbH, s’étend sur un terrain 300 hectares avec 983 500 panneaux installés sur 16 500 tables de support en acier et aluminium. Le parc sera opérationnel en octobre prochain.
Les 16 autres projets retenus en 2014 sont les suivants :
- un parc éolien offshore Gemini au Pays-Bas (600 MW)
- deux parcs éolien offshore au Royaume-Uni (791 MW)
- un parc éolien au Kenya (311 MW)
- un projet solaire photovoltaïque aux Etats-Unis (345 MW)
- onze parcs photovoltaïques et éoliens en Chine (3 730 MW)
Comparée à ses homologues européens, l’Allemagne est une élève studieuse en matière d’énergie solaire. En plus d’avoir battu son propre record de production d’énergie solaire en 2014, elle a pour la première fois produit plus de la moitié de ses besoins en électricité (23,1 GW) grâce à ses capacités de production photovoltaïque. De tels résultats s’expliquent par l’utilisation des panneaux solaires très répandue parmi les particuliers allemands. Le gouvernement allemand applique en effet depuis plusieurs années une politique incitative en matière de consommation de panneaux photovoltaïques. Actuellement, 90% des panneaux solaires outre-Rhin sont possédés par les ménages et 10% sont présent dans les parcs solaires.
Alors, comment démystifier l’énergie solaire ? Avec l’apparition croissanted’objets du quotidien fonctionnant à l’énergie solaire, le photovoltaïque, autrefois produit de haute technologie, sera certainement dans quelques années un produit de commodité beaucoup plus accessible. Reste que la loi sur la Transition Energétique ne prévoit pas de cadre contraignant pour l’atteinte des objectifs annoncés. La lourdeur et la complexité des appels à projets, lancés selon un agenda politique fluctuant, devra être contrebalancée par une réelle volonté de publier et mettre en application avant la COP21 les décrets et arrêtés de la nouvelle loi.
Avec un nouveau système décentralisé, l’Etat pourrait dynamiser l’activité des PME dans le secteur des énergies renouvelables et l’emploi dans ces filières. Les smart grids, en transformant le consommateur en producteur gestionnaire défient la prééminence d’EDF et posent les bases d’un nouveau modèle de consommation. Espérons que le gouvernement saura accompagner ce changement de paradigme.
Sources :
http://www.greenunivers.com/wp-content/uploads/2015/04/Panorama-des-cleantech-en-France-en-2015-GreenUnivers.pdf?0c50ee
http://www.usinenouvelle.com/article/loi-sur-la-transition-energetique-une-opportunite-presque-manquee.N343006
http://www.la-croix.com/Actualite/France/Transition-energetique-la-France-devra-redoubler-d-efforts-2015-07-24-1338003
http://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-136202-loi-de-transition-energetique-objectifs-ambitieux-mesures-limitees-1139652.php
Comment l’Allemagne a produit la moitié de son électricité avec du solaire
http://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/021265470117-transition-energetique-une-loi-et-apres-1146413.php
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